dimanche 10 juin 2012

La Fontaine au secours des managers


La minute management

La Fontaine au secours des managers

Et si vous revisitiez vos basiques auprès du fabuliste du 17ème siècle ? Il vous apportera un grain d'humanité dans un monde de brutes. Celui des chiffres et de la rationalisation à outrance qui vous désespère tant, d'après Jean Grimaldi d'Esdra, directeur pédagogique à l'Edhec Management.

Par Marie-Madeleine Sève pour LEntreprise.com, publié le  A force d'indicateurs, de course à la rentabilité, de " re-engineering " permanent, ce que j'appelle le " cerveau managérial " se " ratatine ". Il en oublie que la performance vient des hommes et des femmes qui l'entourent. Or, La Fontaine, qui use d'archétypes dans ses fables peut aider le manager à se corriger dans ses relations aux autres. Le moraliste en a écrit 240 en tout (1), abordant plus de 60 thèmes universels dans les comportements humains. Elles sont courtes, concrètes, scénarisées. Bien plus accessibles qu'un pavé de management américain de 300 pages. En voici ma lecture contemporaine pour sept d'entre elles (2).

1. " Les Membres et l'Estomac " : considérer l'intérêt général

Les membres du corps humain ne veulent plus travailler au service de l'estomac, " Gaster ", qu'ils jugent inutile et fainéant. Ils font grève. Mais ils fatiguent et tout se déglingue. Jusqu'à ce qu'ils réalisent que l'estomac contribue fortement à la vitalité du corps humain. C'est une puissante allégorie du bien commun. En entreprise ce sont les managers de proximité - " les membres " - qui ne comprennent parfois plus très bien à quoi servent la direction et les fonctions supports, qui représentent leur estomac à eux. Dès lors, ils s'en méfient. Et ne se soucient plus que des intérêts de l'équipe, quitte à jouer perso sur le dos des autres. Attention ! Car si une équipe peut fonctionner au début dans une organisation qui va mal, ça ne dure pas très longtemps.

2. " Le Cheval et l'Ane " : jouer la coopération

A refuser d'aider le baudet qui ployait sous sa charge, le cheval se retrouva à porter le cadavre de l'animal mort d'épuisement et son fardeau. L'entraide n'est pas naturelle. Chacun reste sur son pré carré. Mais savoir en sortir évitera de se retrouver isolé à son tour face à une difficulté, au risque de s'effondrer. C'est une question d'intérêt commun mais aussi d'efficacité personnelle. Ce qui vaut aussi pour le chef et ses pairs.

3. " Le Meunier, son Fils et l'Ane " : s'en tenir à sa décision

L'homme et son fils vont au marché vendre leur âne. Ils le portent ficelé à un bâton pour le garder frais, mais en chemin, au fil des quolibets, ils changent de stratégie : le jeune monte sur l'âne, puis le vieux, puis les deux, puis l'âne marche seul, etc. Le meunier finit par revenir à la solution initiale. " On ne peut prétendre contenter tout le monde ". Une jolie métaphore des difficultés à garder un cap. 1/ L'impact des remarques de l'entourage est trop puissant. 2/ La critique est toujours liée à l'individu qui l'émet et qui a une vue parcellaire des choses. 3/ Le résultat visé risque d'être perdu de vue. Tel le meunier, le manager ne creuse pas assez sa première idée et les moyens, juste nécessaires, pour la réaliser. Il peut écouter les avis pour l'ajuster mais sans la dénaturer. Un décideur girouette n'est pas crédible.

4. " Le Conseil tenu par des Rats " : savoir engager l'action

" Est-il besoin d'exécuter, l'on ne rencontre plus personne. " C'est la morale de l'histoire qui met en scène des rats dont le groupe est décimé par un gros matou. Réunis en conseil, ils décident d'accrocher un grelot au cou de la bête, afin d'être avertis de son arrivée, mais aucun n'exécute ce plan. Gare à ce type d'immobilisme dans les rangs. Obtenir un consensus sur un sujet dans l'équipe ou retenir les bons conseils des consultants, c'est bien. Mais insuffisant. Le manager doit avoir en tête le faire : qui, quand, combien, comment.

5. " Les Animaux malades de la peste " : assumer ses erreurs

" Haro sur la baudet ". Eh oui, dans cette fable, l'âne est le seul des animaux à avoir avoué un péché véniel, alors que le roi lion et toute sa cour se sont disculpés les uns les autres de leurs crimes au cours de mea culpa édulcorés. Ils ont tous triché, cherchant un coupable ailleurs. Un manager peut lui aussi être tenté de ne reconnaitre qu'à la marge ses bourdes ou ses échecs. Il se protège derrière ses reporting ou une délégation totale faite à d'autres. Un cruel défaut d'exemplarité.

6. " Le Laboureur et ses Enfants " : viser le long terme

" Travaillez, prenez de la peine ". Il n'y avait pas de trésor dans le champ creusé par les enfants avides. La vraie richesse léguée par le laboureur était le labeur. J'y vois un éloge du long terme. Ni la course aux objectifs immédiats ni une politique de " coups " ne fondent la pérennité de la performance. Le manager ne peut pas s'exonérer de transmettre des valeurs fondamentales à l'équipe, lui faire faire de la qualité par exemple, malgré l'introduction d'un trésor, tel qu'un outil dernier cri.

7. " L'Ane qui portait des reliques " : rester soi-même

L'animal prend pour lui tous les honneurs que la foule rend à son précieux fardeau. Il s'est illusionné, comme s'illusionnent certains chefs promus au grade supérieur. Le titre peut être prestigieux et susciter moult courbettes. Mais le manager doit savoir habiter la fonction dans toutes ses dimensions et rester humble.
(1) Voir www.lafontaine.net ou télécharger l'application " Fables de la Fontaine " sur iPone/iPad et relire l'intégralité des fables surwww.mesfables.com.
(2) Dans les livres II, III, V, VI et VII. Utile aussi pour un manager, " Le Chien qui lâche sa proie pour l'ombre " sur la construction de la performance, " Le Coche et la Mouche " pour distinguer les vrais contributeurs, " Rien de trop " sur le rejet de l'inutile.

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